Moi les hommes, je les déteste, Pauline Harmange, 2020, Monstrograph

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Pauline Harmange récuse le propos selon lequel la misandrie serait une forme de sexisme comme une autre, tout aussi condamnable. “L’accusation de misandrie est un mécanisme de silenciation” : une façon de faire taire la colère, parfois violente mais toujours légitime, des opprimé·es envers leurs oppresseurs” (p.8). Les milieux féministes ont tendance à dire que la misandrie n’existe pas, ce n’est “pas un système organisé à tous les étages pour rabaisser et contraindre les hommes” (p.9). Elle pose donc une question qui dérange : “Et si la misandrie était nécessaire, voire salutaire ?” (p.9). Puis elle affirme sur un ton provocateur “Moi les hommes, je les déteste. Tous, vraiment ? Oui, tous.” (p.9). Elle souligne le paradoxe de la misandrie versus la misogynie : la misandrie n’a jamais fait aucun mort ni aucun blessé, quand le sexisme tue tous les jours. L’accusation de misandrie sert en fait aux hommes à esquiver “leur devoir : celui d’être un peu moins des purs produits du patriarcat” (p.11). Ils ne se demandent pas d’où vient cette colère, préférant la détourner en prétextant not all men, ou bien en déplorant que cela dessert la lutte, en empêchant les hommes de s’y joindre. Pourtant, Pauline Harmange voit “dans la misandrie une porte de sortie” (p.12). Exister en dehors du regard et des exigences masculines permettraient aux femmes de se révéler à elles-mêmes.

Misandrie, nom féminin

Elle définit la “misandrie comme d’un sentiment négatif à l’égard de la gent masculine dans son ensemble”, de la “méfiance à l’hostilité” (p.13). Elle englobe “tous les hommes cisgenres qui ont été socialisés comme tels, et qui jouissent de leurs privilèges masculins sans les remettre en question” (p.13).

La misandrie est un principe de précaution. En effet, il est difficile de renoncer à tous ses privilèges (p.14), les femmes doivent donc rester prudentes. Elle invite donc les hommes à se taire et à écouter les discours misandres pour apprendre (p.15). Les hommes ne peuvent ni être féministes ni misandres car ils ne devraient pas s’approprier les termes et les luttes des opprimé.e.s et en tirer de nouveaux privilèges (p.16). Ils doivent “utiliser leur pouvoir, leurs privilèges à bon escient […] [et] rester à leur place” (p.17).

L’autrice fait le lien entre féminisme et misandrie : c’est sa pratique féministe qui lui a donné l’assurance nécessaire pour assumer sa misandrie (p.18). Elle observe une évolution des “féministes à la française” qui sont tout d’abord enclines à voir les problèmes d’égalité ailleurs dans le monde mais pas en France. A force de lectures et d’enquête, elles découvrent l’ampleur des problèmes posés par le sexisme et le patriarcat dans tous les pans de la société et deviennent misandres (p.20).

Maquée avec un mec

Le mariage de l’autrice avec un homme a pu être pointé du doigt comme un signe d’hypocrisie. Elle constate simplement qu’elle a rencontré très jeune celui qui deviendrait son mari et qu’ils se sont (dé)construits ensemble. Elle note qu’elle n’aurait plus la patience ni la tolérance de recommencer à relationner avec de nouveaux hommes aujourd’hui (p.21-24). Elle souligne également les standards incroyablement bas pour les hommes hétérosexuels dans la société et le fait que les femmes soient les seules à avoir appris comment prendre soin d’une relation et portent notamment la charge émotionnelle (p.25). Elle souligne que “si je me refuse à lui octroyer un droit d’être médiocre […] c’est surtout pour m’octroyer à moi-même autant d’estime que j’en ai pour toutes les autres femmes à qui je souhaite des relations véritablement égalitaires” (p.26). Et constate que “derrière chaque homme un peu conscient de son privilège masculin, il y a plusieurs femmes qui ont beaucoup travaillé pour l’aider à ouvrir les yeux et ça, ils ne sont pas nombreux à le reconnaître” (p.27).

Misandres hystériques et mal-baisées

“Les femmes ont du mal à se revendiquer misandres” malgré la violence systémique du patriarcat (p.29). Elle souligne que l’on se demande d’un point de vue féministe si la misandrie n’est pas contre-productive (en éloignant de potentiels alliés). D’un point de vue féminin, le conflit et la colère sont étrangers à notre socialisation de femmes (p.30). Elle répond que les alliés dont nous avons besoin sont ceux qui acceptent d’écouter et de se questionner (p.31). De plus, la colère est légitime face à la violence systémique des hommes et il est nécessaire de s’en saisir (p.31-32).

Les hommes qui n’aimaient pas les femmes

“Dans l’imaginaire collectif, misandrie et misogynie sont deux faces de la même médaille, celle du sexisme” (p.33). Or ils sont sans commune mesure (cf. les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes, le harcèlement, les attentats comme celui de Polytechnique Montréal en 1994). Il n’y a pas d’équivalent misandre à cette violence (p.34). “On ne peut pas comparer misandrie et misogynie, tout simplement parce que la première n’existe qu’en réaction à la seconde” (p.34). L’immense majorité des violences sont perpétrées par des hommes, y compris les violences sur mineurs ou sur d’autres hommes (p.36). “Tous les hommes ne sont peut-être pas des violeurs, mais quasiment tous les violeurs sont des hommes – et quasiment toutes les femmes ont subi ou subiront des violences de la part des hommes” (p.37). Et les autres ne participent pas à la charge mentale, ni à la charge émotionnelle, occupent tout l’espace public, contrôlent les corps des femmes, sont misogynes, paternalistes, etc (p.38-40). Même les injonctions imposées aux hommes le sont par d’autres hommes dans le cadre de l’hétéro-patriarcat (p.40). La misandrie fait peur car elle est le signe que les hommes vont devoir mériter leurs relations avec les femmes et qu’elles ne leurs sont pas dues (p.40-41).

Que rugisse la colère des femmes

Les femmes sont privées de leur droit à la colère, de leurs capacités à se mettre en colère, notamment contre des hommes et d’autant plus des hommes proches (p.43-45). A l’inverse, les hommes sont encouragés à montrer leur colère, leur agressivité, et même à faire preuve de violence physique, synonymes de virilité (p.45). Si l’autrice dénonce la violence, encouragée chez les garçons, elle déplore tout autant la passivité des filles (p.46). “Je n’ai retrouvé la colère que bien plus tard, en devenant féministe” (p.46). L’autrice aborde également la question des conflits dans les couples hétérosexuels où les partenaires ont donc des socialisations différenciées (p.47). Les hommes se placent souvent dans une position d’autorité en choisissant de ne pas écouter les émotions de leurs interlocutrices qui souffrent structurellement de situations déséquilibrées (p.47-49). Les féministes font le lien entre la colère privée (espace domestique) et la colère publique “le privé est politique” (p.50). Il faut réhabiliter la colère féministe et féminine (p.50). Médiocre comme un homme

Contre nos syndromes de l’impostrice, Pauline Harmange nous conseille d’avoir “la confiance d’un homme médiocre” (p.56). “Les standards sont trop bas pour les hommes, mais pour les femmes ils sont bien trop hauts” (p.57). Le piège de l’hétérosexualité

L’autrice dénonce l’injonction à l’hétérosexualité, le piège de l’hétérosexualité (p.63) et les conditionnements qui se font dès l’enfance (p.59). On ne donne jamais aux enfants l’option de ne pas avoir d’amoureux.ses (p.60). La valeur des garons est cependant moins conditionnée par celle de leur conjointe et ils ont plus d’imaginaires et d’opportunités de développer d’autres possibles (p.60). Pour les femmes, il y a une nécessité à être en couple (p.61) et les imaginaires de vieilles filles à chats planent comme une menace et un mécanisme de contrôle (p.61). Quand les femmes s’autorisent à vivre le célibat comme une expérience de vie et non comme une punition, elles gagnent en liberté et en autonomie et peuvent par la suite si elles les souhaitent, s’engager parce qu’elles le peuvent et non parce qu’elles le doivent (p.63).

L’autrice invite à redécouvrir la joie de vivre par et pour soi-même, à cultiver des réseaux de relations non amoureuses solides, profondes et sincères pour être entourées et aimées hors du couple, à apprendre ses limites et à les faire entendre (p.64). Soeurs

Pauline Harmange déclare que sa priorité personnelle désormais est d’être une bonne amie auprès de ses amies femmes, être une présence solide et de confiance. Elle fait de la sororité sa boussole et donne à ces femmes son énergie relationnelle (p.69). Il y a dans les relations féminines une réciprocité qui va de soit (p.70). Désormais, elle privilégie les femmes dans ses relations, ses lectures, son militantisme, sa créativité (p.71). Éloge des réunions Tupperware, des soirées pyjama et de nos girls’ clubs

Les groupes de femmes sont systématiquement moqués et dépolitisés par les hommes, effrayés par la non-mixité (p.73). Ils nous reprochent de nous regrouper en un corps politique où ils n’ont pas voix au chapitre (p.75). Et la solidarité féminine est toujours politique, dans les espaces féminins, c’est la sororité qui est cultivée et mise en pratique (p.75-76).