Extraits et citations :

Dans son « Avant-propos », Veronika Bennholdt-Thomsen affirme que « la perspective de la subsistance consiste à regarder le monde par en bas, depuis la vie quotidienne, et non par en haut, depuis les instances de pouvoir qui manipulent l’opinion dans le seul but de se perpétuer. » Elle ajoute : « L’organisation de la subsistance suppose la coopération communautaire (les communs) dans les conditions à chaque fois données qui permettent d’assurer la vie, et elle oppose une résistance au totalitarisme de l’argent et de la marchandise, c’est-à-dire à la guerre que mène l’économie de marché globalisée contre le monde entier, mais aussi à la guerre militaire. »

« (...) les biens communs ne peuvent exister sans communauté, mais une communauté ne peut pas non plus exister sans économie, au sens d’oikonomia, c’est-à-dire de reproduction des êtres humains au sein du foyer social et naturel. » Ce qui suppose une « défense et réappropriation de l’espace public », une biorégionalisation (le terme n’est pas utilisé, les autrices parlent d’une « écologie de la région »), une décentralisation, une « justice sociale », une gouvernance horizontale et une pluralité de communautés.

« [Nous fondons le pouvoir d’autonomie] sur la confiance de soi, l’aide mutuelle, l’auto-organisation, l’auto-approvisionnement, les réseaux locaux et internationaux et sur le remplacement des relations de profit par les relations de subsistance. »

Quatrième de couverture :

La spécificité de notre approche théorique est de tenir ensemble la question féministe, la question écologique et la question économique. Dans ce livre, nous voulons montrer que la vision du monde qui préconise une croissance infinie repose sur le déni des processus naturels liés à la reproduction de la vie. Le primat de l'opérationnalité - ou, comme on l'appelle aussi, le productivisme - entraîne la destruction dans son sillage. La dévalorisation du féminin fait partie de son bagage éthico-moral. Nous voulons indiquer les moyens de nous en libérer. ****

Contexte :

Structure :

Analyse :

“Ce livre, émanation de « l’école de Bielefeld », témoigne d’une orientation spécifique du féminisme marxiste, articulé à l’écologie et au postcolonialisme, ainsi que de l’écoféminisme dont les autrices se revendiqueront dans la suite des travaux de Carolyn Merchant. Dans cette œuvre qui synthétise leurs recherches depuis les années 1970, les sociologues défendent la « perspective de la subsistance » à partir d’une réévaluation des économies paysannes qui assurent aux communautés et, particulièrement, aux femmes une souveraineté alimentaire soutenable, au fondement de leur autonomie. Le livre s’appuie sur le travail de terrain des deux chercheuses, en Inde pour Maria Mies et au Mexique pour Veronika Bennholdt-Thomsen, ainsi que sur de nombreux travaux en sciences sociales et témoignages qui illustrent la « guerre contre la subsistance » (p. 51) ainsi que les différentes formes de résistances qui lui ont été opposées, notamment dans les Suds.”

“Le concept de housewifization, forgé à partir de la redéfinition de la division du travail dans le patriarcat moderne, permet de décrire cette active dés-économisation du travail des femmes, de la nature, des peuples et territoires colonisés, structurellement nécessaire à l’accumulation. Les autrices contestent enfin les présupposés idéologiques du capitalisme, à l’origine de « gouffres » (p. 67) que les États-providence sont de plus en plus impuissants à combler.”

“Là où le modèle industriel intensif orienté vers l’exportation aboutit à la destruction des sols, à la faim et à une perte d’indépendance pour les femmes, elles montrent, en dialoguant avec les peasant studies, comment une agriculture paysanne diversifiée et régionalisée peut être source d’abondance et de liberté.”

“Le chapitre 8 revient sur la dépolitisation du mouvement féministe des années 1970, accentué par le choix de certaines militantes de s’intégrer aux structures de pouvoir. En critiquant vivement ce qu’elles nomment le « féminisme postmoderne », elles plaident pour une perspective émancipatrice valable pour toutes, orientée vers le respect pour la symbolique de la « mère-matière » (p. 366) et la solidarité internationale.”

“Enfin, l’ouvrage se clôt sur une défense de la dimension politique de leur perspective (chapitre 9). Les autrices prennent position, à partir du cas des Palaos (archipel du Pacifique), pour « la politique des champs de taros » (p. 385), c’est-à-dire non séparée du travail et de la quotidienneté, fondée sur l’autogouvernement, et donnant prise à la résistance.”

“Les autrices en appellent donc à un changement non seulement économique, mais également politique, moral, culturel et social, dont la clef de voûte réside dans la réappropriation collective des moyens de subsistance, indépendamment du sexe et de la classe sociale.”

Source

“L’édition allemande est parue en 1997, sa traduction anglaise date de 1999, c’est une version actualisée et complétée qui est présentée ici, un quart de siècle plus tard. Dans un avant-propos de mai 2022, Veronika Bennholdt-Thomsen concède que le livre soit devenu « un document historique », que bien des choses ont changé depuis sa parution. Ainsi, par exemple, le mot « tiers-monde » a disparu, tout comme le mot d’ordre « lutter contre l’impérialisme ». La globalisation du capitalisme financiarisé a imposé le productivisme dans toutes les activités humaines, ainsi que son corollaire, la « société de consommation ». Ce qui demeure présent est « la dévalorisation du féminin » et les « deux féminismes » qu’avaient alors repéré les autrices. Elles distinguaient le « féminisme autonome », auquel elles adhérent encore, qui milite pour une « transformation profonde des rapports économiques et sociaux entre les sexes », et le « féminisme intégré », qui réclame l’accès aux mêmes postes et aux mêmes salaires que les hommes. Ce féminisme axé sur l’égalité des droits entre les femmes et les hommes est bien insuffisant puisqu’il ne vise pas les profondes racines patriarcales à l’origine de la subordination des femmes, entendue comme « naturelle »” Source

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