Quatrième de couverture :

"À partir d'enquêtes menées dans deux camps palestiniens de Jordanie, celui de Jabal Hussein à Amman et celui de Gaza à Jérash, et de l'histoire d'une famille, l'auteure montre comment l'histoire de l'exil et la place des réfugiés dans la société jordanienne ont construit une "idéologie familiale" contestée par les femmes réfugiées et comment les résistances individuelles et collectives de ces femmes au pouvoir familial sont avant-gardistes. C'est aussi une histoire politique et sociale de la famille dans les camps palestiniens de Jordanie depuis 1948 qui fait l'objet de ce livre."

Lire un extrait

Structure :

Préface par Alain Gresh

"Le point de départ de ces vies est, bien évidemment, l’exode de 1948, cette rupture fondamentale qui transforme une société de paysans en réfugiés rassemblés dans des camps « provisoires ». L’échec des hommes à défendre leur terre, ils le justifient par leur volonté de défendre l’honneur des femmes contre les exactions des milices juives, puis de l’armée israélienne. Ce récit, explique l’auteure, est « un moyen d’amoindrir la culpabilité historique d’une génération et avant tout de ses hommes. Il permet de protéger les pères, qui n’avaient pu défendre la terre, et par conséquent de maintenir leur rôle familial ; au moins avaient-ils, en quittant les villes et les villages, préservé l’honneur de leurs femmes et de leurs filles, et donc l’honneur familial et communautaire ». On comprend la place que la question de l’honneur tient dans la société reconstituée des camps. D’autant que la famille devient la seule institution qui préserve et transmet la mémoire de la Palestine. Il faut donc la défendre."

"Quatre générations se sont succédé depuis 1948, explique Stéphanie Latte Abdallah.

Celle dite de la Palestine, née là-bas, où le couple est stable et la majorité des femmes analphabètes. La vie individuelle est dominée par le devenir collectif et l’exil, on parle peu de soi, on rêve au retour.

Les filles de la catastrophe (la Nakba, 1948), nées juste avant ou après l’exode, et qui bénéficient encore peu du système scolaire. Leur mariage, comme celui des aînées, est le fait d’arrangements familiaux ; la plupart occuperont des emplois non qualifiés, le mari n’étant pas capable de subvenir à la famille. Comme les hommes, elles seront happées par le combat national, notamment entre 1967 et 1970, lorsque la Jordanie devient une base arrière des fedayin ; mais le mouvement national s’appuyant sur les familles, remet peu en cause les valeurs patriarcales.

La génération saoudienne fait référence à ces filles qui ont bénéficié à la fois de l’éducation de l’unrwa et de la Jordanie, ainsi que d’un emploi relativement qualifié, notamment dans le Golfe après le boom pétrolier de 1973 (mais souvent la carrière se fait au détriment du mariage). Le couple devient un lieu de conflit plus aigu, où monte la violence conjugale.

Enfin, la génération nouvelle, celle des moins de 30 ans, vit la crise politique (notamment les divisions entre ceux qui soutiennent et ceux qui combattent les accords d’Oslo), la précarisation due aux suites de la première guerre du Golfe (1990-1991), le choix individuel de l’époux. La réduction des possibilités professionnelles rend le mariage plus important ; et le célibat qui, pour la génération précédente, représentait un choix, est désormais perçu comme subi."

Introduction

Prologue : Le temps des institutions : enjeux familiaux 1948-1999

Chapitre 1. Histoires de familles : image vs changement social

Chapitre 2. Vies de femmes : échanger l'image contre son histoire

Conclusion

A propos de l'autrice Stéphanie Latte Abdallah :

Stéphanie Latte Abdallah est historienne et politologue, chercheuse à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman à Aix-en-Provence. Elle s’est d’abord spécialisée sur les questions des réfugiés palestiniens, du genre, de l’engagement et des féminismes au Proche-Orient. Elle travaille actuellement sur le lien entre images et politique sur le conflit palestinien, et sur les échanges et mobilités dans les espaces israélo-palestiniens à partir d’une étude de l’incarcération pour des motifs politiques depuis 1967. Elle a notamment publié Femmes réfugiées palestiniennes (PUF, 2006), « Regards, visibilité historique et politique des images des réfugiés palestiniens depuis 1948 » (Le Mouvement social, 219-220, printemps-été 2007), « Genre et politique » (in Élizabeth Picard (dir.), La Politique dans le monde arabe, Paris, Armand Colin, 2006, p. 127-147) et dirigé Images aux frontières. Représentations et constructions sociales et politiques : Palestine, Jordanie, 1948-2000 (IFPO, 2005).