Extraits et citations :

"Un contrôle disciplinaire (p.95)

Les violences sexuelles sont l’expression de hiérarchies existantes [notamment entre hommes et femmes], mais elles constituent également un outil pour les maintenir. Elles permettent, de différentes façons, de réaffirmer la position de chacun. Les anthropologues ont décrit comment le viol – notamment le viol collectif – est utilisé dans diverses sociétés par les hommes pour punir les femmes qui ne respectent pas leurs règles. Chez les Munduruku et les Caraja du Brésil, les femmes n’ont pas le droit de voir certains objets sacrés: la sentence est le viol collectif. Chez d’autres (Bororo du Brésil, Cheyennes et Omaha d’Amérique du Nord…), c’est l’infidélité féminine qui est sanctionnée ainsi. Selon les cultures, d’autres comportements « incorrects » peuvent être punis par le viol : refus des avances d’un époux, rapports sexuels illégitimes, etc. Plus récemment, la presse s’est fait l’écho de viols dits « correctifs » commis en Afrique du Sud sur des lesbiennes pour les remettre « dans le droit chemin »."

"À quoi sert, concrètement, une punition ? À discipliner. En « donnant une leçon » à la fautive, on lui rappelle quelle est sa position. On espère ainsi que, humiliée et apeurée, elle respectera désormais les règles. Mais la punition sert aussi d’exemple : elle est censée effrayer non seulement la victime, mais également ses paires, ce qui les dissuadera d’enfreindre les règles.

Est-ce que, dans les pays occidentaux, la peur des violences sexuelles permet de contrôler le comportement des femmes ? La réponse est oui. Les travaux de recherche sur le sujet montrent que la peur du viol entraîne chez les femmes une peur de toutes les autres violences, et que cette peur les pousse à adopter des comportements d’auto-restriction, comme de rester chez soi, d’éviter de se promener la nuit, de ne pas aller seule à certains événements, de porter des vêtements « corrects », de faire attention à ce que l’on boit, etc. Cette peur renforce également, chez les deux sexes, certaines croyances sexistes, notamment celles selon lesquelles les femmes sont des êtres fragiles qu’il faut protéger. Un autre type de violences sexuelles, le harcèlement dans les lieux publics, contribue à ce climat de terreur, puisqu’il intimide les femmes et augmente leur peur du viol, ce qui les pousse à réduire leur mobilité."

Quatrième de couverture :

"Les violences sexuelles envers les femmes n'apparaissent pas spontanément. Elles ne font pas partie de la " nature humaine " ni ne sont le résultat d'incontrôlables pulsions masculines. Elles ont des causes sociales – impunité des agresseurs, idées reçues sur la sexualité, inégalités structurelles – qui forment ce que l'on appelle une " culture du viol ". Cela va de remarques apparemment anodines qui culpabilisent les victimes à un traitement trop fréquent des viols comme des délits plutôt que comme des crimes devant les tribunaux ; de formules pour excuser les agresseurs à une remise en cause systématique de la parole des femmes qui dénoncent des agressions.

En France, chaque année, environ 94 000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol. Et les viols ne représentent que la partie émergée d'un iceberg : celui des violences sexuelles, à la maison, au travail ou dans la rue. Or ces violences ont des conséquences graves : elles minent la confi ance et limitent la liberté par la peur qu'elles instaurent. Elles constituent une atteinte aux droits et à la dignité des personnes et consolident la domination masculine. Mais cette situation n'est pas une fatalité. C'est pourquoi il est important d'identifier les éléments culturels qui servent de justifi cation et de terreau à ces actes, afi n de proposer des pistes qui permettront d'y mettre fin."

Contexte :

43% des femmes françaises affirment avoir subi des caresses ou des attouchements sexuels non consentis, et 12 % se déclarent victimes de viols, selon une enquête de l’Institut français d’opinion publique (IFOP) et de la Fondation Jean-Jaurès réalisée en février sur un échantillon représentatif de 2 167 femmes.

58 % des femmes disent avoir été victimes de comportements déplacés ;

50 % d’insultes ou de remarques à caractère sexiste ;

45 % de gestes grossiers à connotation sexuelle ;

43 % de caresses ou d’attouchements à caractère sexuel sans consentement ;

29 % de messages pornographiques par e-mails ou SMS ;

12 % d’un ou plusieurs viols.

Structure :