Extraits et citations :
“Les injustices épistémiques La notion d’injustice épistémique désigne les formes d’inégalité dans l’accès au savoir ou à la production de savoir. Or, les inégalités socio-culturelles, économiques et politiques qui caractérisent une société déterminent les inégalités d’accès à ces positions d’autorité épistémique. La notion d’injustice épistémique est au centre des travaux majeurs des black feminists (Crenshaw, 1989 ; Collins, 1990), des féministes postcolonialistes (Mohanty, 1984 ; 2003) et des épistémologues féministes qui ont conceptualisé l’oblitération du point de vue des femmes (Harding, 2004 ; Haraway, 1988), et a fortiori des femmes issues de minorités racialisées (Sullivan et Tuana, 2007), dans la production des savoirs en sciences humaines et sociales. Alcoff (1991) parle ainsi des injustices épistémiques en termes d’inégalités d’accès aux positions d’autorité épistémique, Dotson (2014) étudie l’épistémologie de l’oppression tandis que Mills (1997) approfondit l’analyse des mécanismes par lesquels une épistémologie de l’ignorance est maintenue en vue de soutenir des systèmes de privilèges fondés sur la race. Tout en reconnaissant la richesse de la littérature philosophique dans laquelle s’inscrivent ces travaux, Fricker présente dans Epistemic Injustice (2007) deux formes d’injustices épistémiques dont la conceptualisation est maintenant connue. La première forme renvoie à la notion d’injustice testimoniale, qui advient lorsque le témoignage d’un individu au sujet de faits sociaux et en tant que connaisseur est discrédité en raison des préjugés contre son sexe, sa race, son orientation sexuelle, sa religion ou sa position sociale marginalisée. Selon Fricker, l’injustice testimoniale « survient lorsque l’auditeur accorde moins de crédibilité aux paroles d’un locuteur en raison d’un préjugé concernant son identité » (2007, p. 1 2 ). Dans la mesure où il existe des préjugés d’identité en contexte discursif, les injustices testimoniales consistent en des excès ou des déficits de crédibilité. La seconde forme renvoie à la notion d’injustice herméneutique, qui advient lorsque l’interprétation du monde et des faits sociaux offerte par un individu n’est même pas intelligible pour d’autres interlocuteurs étant donné les ressources épistémiques limitées d’une communauté. Les ressources épistémiques d’une communauté peuvent être limitées en raison de conditions socioéconomiques indigentes, tout comme elles peuvent être limitées en raison de préjugés idéologiques dominants (sexistes, racistes, homophobes, islamophobes, etc.). Selon les termes de Fricker, l’injustice herméneutique « est l’injustice que l’on subit lorsque des domaines significatifs de notre expérience sociale sont occultés dans la compréhension collective en raison d’un préjugé structurel d’identité qui marginalise notre apport aux res- sources herméneutiques collectives » (2007, p.155).
Quatrième de couverture :
Le mouvement féministe haïtien vient de célébrer ses 100 ans: occasion idéale pour réfléchir à la réalité des Haïtiennes, tout en y intégrant des courants de pensée européens, américains et panafricains. Ce livre est construit sur le constat qu’Haïti et la Caraïbe ne peuvent faire l’économie de nouvelles pistes de réflexion dans un contexte où la situation des femmes ne cesse de se dégrader et où les acquis féministes sont constamment remis en question ou disqualifiés.
Les recherches sur le genre et la pensée féministe produiront ainsi de meilleures analyses sur la situation de celles qui, dans l’imaginaire collectif, sont encore perçues à la fois comme garantes du bien-être des autres et citoyennes de seconde zone. Il en résulte un récit articulé sur une variété de sujets qui élabore un discours endogène remplaçant, nous l’espérons, les récits étrangers trop souvent stéréotypés.
Avec des textes de Darline Alexis, Rébecca S. Cadeau, Ketleine Charles, Frédéric Gérald Chéry, Ryoa Chung, Natacha Clergé, Denyse Côté, Francine Descarries, Joëlle Kabile, Nathalie Lamaute-Brisson, Sabine Lamour, Diane Lamoureux, Pauline Lecarpentier, Marie-Nadine Lefaucheur, Danièle Magloire, José Nzengou-Tayo, Gail Pheterson, Daniel Pierre Philippe, Célia Romulus et Rose Esther Sincimat Fleurant.
En coédition avec PressuniQ et Mémoire d’encrier
Contexte :
Structure :
Contre-récits sur le genre et la pensée féministe en Haïti - Sabine Lamour, Denyse Côté et Darline Alexis
I. Recherches féministes: questionner les fondements, questionner les méthodes
Les études féministes pour résister aux injustices épistémiques genrées - Ryoa Chung
Le potentiel d’une recherche féministe décoloniale pour déconstruire le récit de l’État fragile haïtien - Celia Romulus
II. Les femmes haïtiennes dans l’espace littéraire
Impact de l’Occupation américaine sur la représentation des femmes dans la littérature haïtienne : hier et aujourd’hui - Marie-José Nzengou-Tayo
Une parole intime pour la subversion des codes sociaux dominants : Amour de Marie Chauvet et Thérèse en mille morceaux de Lyonel Trouillot - Darline Alexis
III. Réalités caribéennes
La femme poto mitan: réalités et représentations sociales à la Martinique - Nadine Lefaucheur
Partir pour mieux s’enraciner ou retour sur la fabrique du poto mitan en Haïti - Sabine Lamour